J’ai pu interviewer Jean-Baptiste Crouigneau sur un projet visant initialement à définir une stratégie de test dans cet épisode.
Il s’est finalement révélé que la demande initiale visait à servir une autre fin, notamment de supporter le décalage d’un projet stratégique.
Je souhaitais partager les pratiques que nous avons identifiées en rétrospective de notre échange :
- Suivre des pistes pour sentir le contexte d’intervention
- Cerner les objectifs directs et indirects d’un projet
- Comprendre les attentes réelles des interlocuteurs
- Savoir rester ferme sur ses appuis, convictions et valeurs
- Adapter certains livrables pour qu’ils soient à plus forte valeur
- Bonus: L’automatisation peut retarder un projet
Les sections suivantes détaillent les points avec des préconisations actionnables.
Suivre des pistes pour sentir le contexte d’intervention
Se fier à notre instinct et aux signaux faibles peut nous guider dans notre étape de découverte du contexte.
À l’instar d’un enquêteur qui suit ses indices, nous pouvons rencontrer des éléments clefs du projet en amont.
La prise en compte du contexte est plus ou moins ardue en fonction de la complexité et notre degré de familiarité avec celui-ci.
Garder un prisme large, une vision d’ensemble et du recul en début de projet. À l’instar d’un jeu vidéo, il faut explorer la carte par petit bout pour en appréhender la carte globale.
Antoine Craske
Concrètement, il convient de garder un prisme large sur une première phase, en rencontrant par exemple un maximum d’interlocuteurs directs et indirects du projet.
C’est à ce moment qu’il faut pratiquer l’écoute active, poser des questions au lieu d’en fournir et prendre du recul.
Afin d’obtenir une vision complémentaire, je recommande de mixer des formats individuels et en petit comité.
Le modèle individuel permet de créer une relation plus directe, de se focaliser sur son point de vue, et est plus propice à un partage informel.
Les formats en petit comité permettent quant à eux d’appréhender les dynamiques d’acteurs, intérêts et de faire émerger d’autres éléments.
Je peux également recommander de faire appel à son réseau, qui peut avoir une expérience ou indirectement une connaissance de l’organisation.
Maximiser ces entrants en amont permettra de cerner au plus tôt les zones de risques à creuser.
Cerner les objectifs directs et indirects d’un projet
Partons du principe que les objectifs du projet sont formalisés d’un point de vue métier et de l’entreprise.
Si ce n’est pas le cas, je vous recommande fortement de premièrement traiter ce facteur d’échec important, comme partagé dans cet événement.
Une fois les objectifs directs à disposition, la prochaine étape va être d’en comprendre les objectifs indirects.
Ils sont d’importance variable selon les contextes du projet. Dans le cas de Jean-Baptiste, il était question de décaler un projet stratégique.
Nous en revenons à la capacité d’ interagir avec les bonnes personnes, dans le bon contexte, en posant les questions qui peuvent nous mettre sur la piste.
Premièrement, comprenez quels sont les enjeux stratégiques de l’organisation dans son écosystème, en vous mettant à la place de la direction générale.
Faîtes ensuite un zoom dans le contexte du projet en particulier.
Par qui est-il sponsorisé? Y a-t-il uniquement des internes ou plutôt des externes? Qui sont les personnes en charge du projet? Quelles personnes vous semblent avoir de l’influence au-delà des titres?
En complément, comprendre si un projet similaire a déjà été réalisé ou le serait en parallèle peut nous permettre de comprendre les priorités et comment l’organisation a déjà pu réagir à des initiatives similaires.
Creuser en fonction de votre instinct et des indices disponibles à date, en maximisant votre entretien par une bonne préparation.
Vous devez pouvoir répondre clairement aux questions suivantes :
- En quoi ce projet est-il important pour l’entreprise?
- Quels sont les objectifs directs et indirects du projet, globalement et localement?
- Quelles sont les hypothèses structurantes implicites et explicites?
Comprendre les attentes réelles des interlocuteurs
Ayant une vue d’hélicoptère et une compréhension du contexte, le zoom peut s’effectuer au niveau des interlocuteurs.
À l’instar d’une stratégie de test, il convient de prioriser votre effort. Utiliser une matrice de stakeholders par exemple afin de vous focaliser sur les plus importants.
L’enjeu va être d’identifier leurs attentes réelles sachant qu’elles ne seront pas clairement exprimées, il faudra lire entre les lignes.
Les attentes réelles seront rarement exprimées, il faudra lire entre les lignes.
Antoine Craske
Personnellement je crois beaucoup que la compréhension du passé, les modèles et l’analyse de patterns pour projeter de possible scénarios.
Concrètement, il faut donc identifier l’historique de la personne, la partie professionnelle étant souvent en partie disponible en ligne.
Au travers de l’empathie et d’essayer de comprendre un point de vue différent, on peut réussir à obtenir des pistes utiles.
Il convient de combiner cela à une bonne technique d’écoute active pour déceler des informations utiles au projet.
Savoir rester ferme sur ses appuis, convictions et valeurs
Dans l’histoire partagée par Jean-Baptiste, on sent que la pression était forte, depuis la direction générale jusqu’au directeur de projet.
Dans une position de faiblesse, arrivé au milieu d’un projet, et en voulant satisfaire trop les parties prenantes on peut facilement céder à ce qui est demandé.
Le problème est que les demandes sont rarement réalistes, avec trop d’enjeux et de contraintes face à ce qui est possible de réaliser.
Ce n’est pas un bon investissement que de céder à des pressions court-termistes, même si cela reste plus facile à dire qu’à faire.
L’alternative partagée dans l’histoire a été de travailler sur deux alternatives proposées sur base des contraintes et hypothèses de travail.
L’objectif est de structurer un argumentaire illustrant que si aucune des solutions n’est acceptable, il faut changer une variable soit en hypothèses soit en niveau de solution.
L’expérience peut également aider à se sentir plus solide sur ses appuis, néanmoins avoir des informations fiables, validées et supportées sont indéniablement utiles.
Je pense également que suivre notre système de valeur professionnel est quelque chose que l’on sent au fond de nous dans ces moments de décisions.
Investir pour le moyen et le long-terme me semble le plus judicieux et mettra en exergue les problèmes au plus tôt, au lieu d’en créer d’autres plus importants par la suite.
Adapter certains livrables pour qu’ils soient à plus forte valeur
Les standards et modèles existent en partie pour nous simplifier la vie.
Ils sont extraits d’expériences croisées sur des problématiques similaires dans le but de fournir du contenu réutilisable.
Cela ne veut pas pour autant dire qu’ils doivent être suivis et restitués à la lettre. Je suis convaincu que l’adaptation et le contexte sont clefs.
Dans l’exemple de la stratégie de test, au-délá de son contenu nécessaire si l’objectif est de contribuer à des scénarios projets, fournir un outil de simulation peut se révéler très utile.
Un complément peut également être fourni en lien avec la priorisation des exigences ou le pilotage par les risques, s’il est méconnu dans le contexte d’intervention.
Nous en revenons aux points précédents : adapter vos livrables au contexte, aux attentes de l’organisation et des interlocuteurs.
Si les parties prenantes sont par exemple plus à l’aise avec des formats visuels et des démonstrations, agrément les livrables avec ce type de contenu.
Bonus: L’automatisation peut retarder un projet
Je voulais également partager un point sur l’automatisation.
Le livre relatant la mise en place du Mainframe chez IBM est à l’origine de la loi de Brooks “adding manpower to a late software project makes it later ».
Dans l’histoire partagée par Jean-Baptiste, le client pousse à la mise en place d’automatisation de tests pour gagner du temps dans les contraintes du projet.
Comme pour l’effort d’intégration et de coordination d’un développeur additionnel, ajouter de l’automatisation en plein projet va juste ajouter des charges indirectes fortes.
Ajouter l’automatisation des tests en cours d’un projet le retardera très probablement.
Antoine Craske
Il convient donc de mesurer pleinement ce type de décisions, et probablement limiter sa mise en place sur un périmètre restreint, d’exécution fréquente et avec des outils et processus connus.
Le cas contraire, c’est probablement un autre risque ajouté au projet qui se matérialise par des retards en aval du projet.
Détecter un agenda caché est un art complexe
Les divers apprentissages et pratiques extraits de cette expérience sont fortement liés à notre comportement et capacité d’analyse.
Le jugement du contexte reste clef pour prioriser les bonnes actions, des contraintes fortes de temps étant souvent présentes.
J’espère que cet article vous aura été utile en partage, concret et actionnable, commentez ou réagissez pour continuer l’échange.