Une démarche qualité visant à avoir des impacts structurels nécessite de réels investissements d’entreprise.
Les investissements sont débloqués par des sponsors dont leurs objectifs n’est pas la qualité en tant que telle.
Il faut savoir les convaincre, leur tendance se portant naturellement sur leurs enjeux dans leur contexte : l’entreprise, le business , les clients, les équipes, les partenaires.
La qualité a souvent été associée à une fonction support en fin de chaîne, limitée à une réduction du risque, considérée sans ROI.
Pour convaincre, il faut prendre le contexte dans sa globalité : le contexte économique, l’entreprise, son organisation, sa culture, ses interlocuteurs et leurs priorités.
Dans cet article, je partage 10 questions à se poser pour argumenter une démarche de qualité.
First Things First
Nous sommes payés pour solutionner des problèmes que l’entreprise est prête à financer.
Ils sont malheureusement souvent perdus de vue dans l’exécution.
Savoir les identifier, formaliser et contextualiser fera la différence dans l’articulation des arguments à utiliser.
“Ne pas mettre la charrue avant les bœufs » est également une expression adaptée, qu’il faut savoir traduire par ses actions.
Commençons donc par le contexte global.
Dans quelle contexte et cycle l’entreprise se situe-t-elle ?
Une première étape est de cerner le cycle dans lequel votre entreprise se trouve : création, croissance, maturité, déclin.
La phase de votre entreprise est la clef pour aligner son argumentaire.
Des économies d’échelle seront par exemple plus valorisées dans une période de maturité ou de déclin.
Dans un contexte de croissance, la capacité à déployer rapidement et efficacement le business model sera recherchée.
Garder en tête que les cycles sont des transitions dynamiques, il faut donc saisir quelle sera l’évolution possible durant la trajectoire.
La maturité de l’écosystème sera aussi prépondérante.
Une forte concurrence et entrées d’acteurs forcera l’entreprise à se renouveler plus rapidement, d’elle-même ou par développement d’autres entités.
Prenant l’exemple du secteur des FinTech.
Les banques et assurances ont initié des démarches de transformation en profondeur et de développements de petites structures pour faire face à l’émergence d’acteurs bien plus agiles.
Par le passé, les barrières à l’entrée et leur capacité à racheter des acteurs émergents leur permettait de garder un certain calme.
Quelles sont les priorités de votre entreprise ?
La stratégie définit les grandes priorités à mener, souvent par grandes thématiques, qu’il convient de complémenter par les non-priorités.
On retrouve souvent ces éléments dans des présentations pilotées par les sponsors, contenant des éléments tels que matrices BCG, SWOT, personas clients.
Complémenter son approche est réalisable par des questions complémentaires afin d’élargir son prisme de réflexion :
- Comment veut-on atteindre nos objectifs d’entreprise ?
- Quels sont les projets clefs à mener ?
- Quelles sont les grandes hypothèses nécessaires à la réalisation des objectifs ?
- Que change-t-on principalement par rapport à l’existant ?
- Quels sont les principaux risques identifiés ?
L’étape suivante consiste à aligner votre démarche avec les enjeux métiers.
Comment se décline les enjeux sur le système, les processus et l’organisation ?
Il faut identifier quels seront les leviers en support de la stratégie.
Une approche systémique est nécessaire pour identifier les points clefs et différenciateurs qui seront pertinents.
Prenons un exemple : une priorité est l’unification de la base client, dans un objectif de connaissance globale, proposition de services entre business unit, et augmentation de la valeur ajoutée par client.
Votre démarche devra donc démontrer comment elle permettra d’accélérer, sécuriser et délivrer cette priorité.
Vous pouvez avoir d’autres objectifs complémentaires, en support et des pré-requis, mais au final, vous devez délivrer la valeur désirée.
Recourir aux business capabilities, souvent utilisées par l’architecture, peut vous faciliter l’articulation de la valeur de votre démarche.
Un exemple récurrent sera le besoin d’accélération des livraisons logicielles, tout en restant stables, mesurables et évolutives.
Ces exigences se traduisent par un besoin d’automatisation des processus cœurs de livraison logicielle, de sa création, déploiement jusqu’à la supervision.
La validation des exigences prioritaires fonctionnelles et de se securité pourront également vouloir être auditées de manière automatisées.
Mais au-delà du futur, le présent peut être plus percutant.
Quels impacts de la non-qualité pour vos clients aujourd’hui ?
Des problématiques actuelles pour vos clients seront rarement contestables.
Cet article en partage quelques éléments Votre Quality Is What It is.
Malgré l’existence des problématiques clients, elles sont une très bonne source d’information pour votre argumentaire.
Choisissez les exemples les plus pertinents dans le contexte identifié, les plus factuels et qui parleront à vos interlocuteurs.
Il faudra partager la réalité la plus proche de l’expérience client : un verbatim, un enregistrement, un témoignage client.
Des exemples phares peuvent également convaincre directement : perte d’un grand compte historique, portefeuille client manquant d’activation, de croissance.
L’objectif est de supporter les faits par leur récente apparition, et faire appel à la logique et aux émotions pour convaincre.
Tout sponsor a bien en tête les dynamiques entre les clients, la performance de l’entreprise, la marge générée et les retours qu’ils peuvent obtenir.
Une perspective concurrentielle est souvent percutante.
Quelle est votre performance par rapport aux concurrents de référence?
Votre concurrence est la réalité des défis actuels et futurs.
S’y référer permet d’assurer la similarité du secteur et des défis rencontrés par les organisations, renforçant votre argumentaire.
Leur part de marché, les derniers clients gagnés, leur croissance, les derniers produits ou services, ou même commentaires clients sont à prendre en compte.
Vous devez ici faire le tri entre le show-off et la réalité du terrain de ces entreprises pour garder une légitimité des données présentées.
Comparer les prix de vos offres est souvent révélateur et percutant pour les sponsors.
Pourquoi les clients paient-ils plus cher pour une offre similaire ? Pourquoi la valeur des offres a-t-elle baissé au lieu d’augmenter ?
La réponse est souvent dans un manque de qualité des offres internes.
En complément de l’analyse externe, l’organisation interne, la qualité des profils et la capacité à attirer sont des facteurs clés de différenciation.
Focalisons nous donc sur la partie interne à votre entreprise.
Quels impacts et quelles causes dans votre organisation ?
Le cœur du réacteur de votre entreprise reste en majeure partie propulsé par votre organisation interne.
Les impacts, changements et axes d’évolutions doivent donc être identifiés à cet égard.
Pour faire le pont avec la vision client, parler aux différents utilisateurs impactés par le produit digital est souvent riche d’enseignements.
Le call-center est d’ailleurs souvent une mine d’informations.
Interviewer votre équipe : product owner, developers, opérations, … pour obtenir l’expérience et le point de vue des acteurs de votre système.
C’est là que vous trouverez la réalité de la production, et souvent les vrais problèmes d’organisation.
À partir de ces informations, arrivez-vous à identifier des dysfonctionnements importants de par les problématiques rencontrées? (e.g. développement en double, rework multiples, turn-over).
Analyser la charge de run ou de maintenance est également un outil puissant.
Á la base du LEAN et d’autres modèles de productivité, la maîtrise des opérations est un prérequis fondamental pour passer une étape de maturité.
Identifiez donc si la démarche de qualité pourra libérer du temps précieux à vos équipes, d’accélérer et d’augmenter en performance.
En quoi le manque de qualité serait-il un véritable frein à la stratégie ?
Votre démarche doit être nécessaire à la réalisation de la stratégie.
Vous convaincrez difficilement un décideur uniquement par la réduction du risque ou par la notion d’amélioration.
Il faut donc savoir articuler un gain et sa causalité.
Les êtres humains sont d’ailleurs bien plus appétant au gain qu’à la perte.
Connu comme l’aversion au risque, nous avons tendance à privilégier la perception d’un gain plutôt qu’une perte, même si le gain est défavorable.
Un argumentaire avec trois scénarios est donc nécessaire :
- L’existant, oú si rien n’est fait, la réalité envisagée doit est irréalisable accompagnée d’un quotidien devenu infernal
- La cible que vous proposez intégrant la démarche de qualité et ce qu’elle apporte réellement et structurellement
- Une autre cible n’intègrent peu ou pas votre démarche, mettant en exergue des problématiques majeures qui sont et seront rencontrées
Cette approche permettra de forcer à prendre une décision en dehors de l’existant, et favoriser un scénario de gain, plutôt qu’une réduction de risque.
Pour être percutants, vos arguments devront apporter une valeur significative.
Pouvez-vous identifier des tendances ou prévisions alarmantes ?
Montrer un impact futur sera utile ayant eu un partage de l’existant.
Intégrer des analyses de tendances de marché, d’acteurs similaires et de projection de données existantes sont des bonnes pratiques.
L’objectif n’est pas de prédire le futur, mais bien d’identifier les scénarios possibles au vu du contexte actuel, on peut parler de scenario-planning.
Les arguments utilisés doivent avoir une composante émotionnelle et impacter les intérêts des acteurs.
Ils doivent être suffisamment forts, impacter des enjeux personnels et avoir une temporalité qui pousse fortement à l’action.
Prenons l’exemple de l’écologie.
Je me rappelle lire dans les années 2000 une interview alarmiste concernant le besoin d’une inclusion plus forte, et qu’il serait trop tard d’ici 20 ans.
La préoccupation écologique est aujourd’hui plus forte, à l’image des politiques d’entreprises incorporant la RSE.
Mais que s’est-il passé pour que les acteurs changent leur perspective ?
Des livres et études sont nécessaires pour répondre à la question, néanmoins nous pouvons partager un point fort.
Pour les gouvernements, le problème écologique a commencé à être plus prioritaire quand il s’est révélé pouvoir devenir un futur problème de sécurité nationale.
Effectivement, les perspectives de migrations massives de population, en manque de ressources et de moyens pour cause de réchauffement ne sont guère attrayantes.
Réfléchissez à comment mettre la qualité en perspective d’enjeux de votre entreprise, interlocuteurs et des scénarios d’évolutions possibles.
Quels coûts pour votre dette technique ?
Après avoir dépeint un présent lourd, des scénarios alarmants sauf votre proposition, il ne reste plus qu’à avancer ?
Pas forcément, avec un boulot et des chaînes au pied cela peut être pénible, voire fatal à moyen-terme.
C’est le poids de la dette technique.
Face cachée de l’iceberg, elle est tout le temps présente, à des niveaux et impacts différents.
C’est souvent ce qui se cache derrière des problématiques de livraison, rapidité, stabilité et attractivité pour le produit.
Vous devez lier la dette technique a ce qui parle à vos interlocuteurs : la performance économique.
Sans entrer dans les typologies de dette technique, mesurer le coût de paiement de votre dette en euros est un pré-requis.
Quelle valeur est plus palpable : 580 jours ou 290 000€ ?
Ne vous limitez pas à parler de la qualité du code et de quelles solutions de réductions de dette vous envisagez.
La quantification et analyse de la dette technique remplit plusieurs objectifs:
- Partager la réalité de la situation technologique actuelle aux différents acteurs, c’est rarement le cas
- Démontrer le poids de la dette technique et en quoi son traitement aidera pour le démarche proposée
- Réaliser qu’un investissement réel et continu sera nécessaire afin d’en garantir son contrôle
Votre plan doit permettre de répondre aux enjeux de l’entreprise tout en réduisant la dette technique.
Rester dans la situation existante doit normalement augmenter l’addition de dette technique, rendant la facture plus salée au fil du temps.
Sincèrement, évitez un énième projet incompris “Technical Roadmap Evolution V10”.
Vos solutions sont-elles 10 fois plus performantes ?
Les organisations sont dans un conflit constant entre leurs besoins de réalisation et les ressources dont elles disposent.
C’est un mécanisme sain pour qu’un système se régule et maintient les activités et initiatives les plus pertinentes.
Seules les propositions plus prometteuses doivent donc être explorées, mais comment les sélectionner?
La gouvernance est un élément fondateur de réponse, nous référant au besoin d’inclusion et d’influence des différents acteurs.
On pourrait également vouloir produire des matrices de comparaison détaillées entre plusieurs options, même si elles seront souvent vaines dans un premier temps.
Argumentez plutôt une amélioration d’un facteur de 10 par rapport à l’existant.
Cette pratique permet de se focaliser sur l’amélioration de la performance dans un contexte donné, le bon sens d’analyse entre les initiatives étant à réaliser dans un second temps.
Prenons un exemple sur d’accélération de livraison logicielle. Passer d’une livraison tous les 12 semaines à plus de 10 fois sur le même intervalle temporel sera l’objectif.
Toute solution n’apporte pas au moins de niveau de performance doit être revue ou écartée.
Identifier la valeur de la qualité est un véritable exercice d’immersion
Les questions partagées reflètent le besoin de préparation et d’immersion.
On pourrait presque finir par penser qu’il faut être à la fois un chercheur, un caméléon et un orateur.
C’est en partie vrai pour l’empathie et la compréhension des autres perspectives, compétences clefs de l’intelligence émotionnelle, sans en perdre votre individualité.
Sans atteindre le niveau d’exécution d’Al Gore, sa prestation d’argumentation et d’influence sur l’écologie est une bonne référence pour imager votre démarche.
Trouver la valeur de la qualité nécessite d’être la personne la plus orientée métier, en utilisant vos autres compétences en complément, comme pour la dette technique.
N’hésitez pas à vous immerger complètement dans l’écosystème en allant sur le terrain, au contact des clients, du call-center, c’est là que la réalité se trouve.
Cette froide réalité révèlera les arguments nécessaires à une démarche qualité plus que percutante.
C’est là que vous trouverez des réponses aux 10 questions pour convaincre votre direction.